◇ Un séminariste en Terre Sainte ◇

Témoignage d’Emmanuel, du diocèse de Limoges, en cinquième année au Séminaire Notre-Dame de l’Espérance

3h45 du matin, le réveil sonne : la levée du corps est difficile, je ne réalise pas encore. Douche, petit-dej’ frugal, et nous voilà partis en bus vers l’aéroport. L’attente est longue mais joyeuse. Le vol est long aussi, l’accueil à Tel-Aviv plutôt froid, l’arrivée dans le désert tardive. Le soleil se lève sur le désert rocailleux du Néguev : ça y est, je suis en Terre Sainte. C’est la première fois pour moi, et en fait je me rends compte que je ne réalise toujours pas. Ou plutôt, j’ai l’impression d’être déjà venu, de vivre une sorte de déjà-vu. J’ai pourtant bien vérifié dans mes souvenirs, je ne suis jamais venu.
Passer par les lieux saints, que Jésus a foulés de ses pieds, est cependant impressionnant. Les paysages de la Terre Sainte, bien que parfois arides et durs, sont objectivement majestueux et beaux. Je me suis alors dit que Dieu avait bien choisi son coin pour venir sur Terre. La tension entre les deux peuples ? On la ressent, on nous en parle, mais elle n’est pas non plus palpable. Sans doute qu’on ne réalisait pas, ça non plus. La mer morte, Nazareth, Bethléem, tout est incroyable. Tout est beau, je ne perds pas une miette des lieux qu’on visite. Je suis comme un enfant qui part en vacances pour la première fois de sa vie. Tout est de l’ordre du génial. Je bois chaque mot de notre guide, excellent. Mais je ne réalise toujours pas.
En fait, je pense que c’est en arrivant à Jérusalem, sommet de notre pèlerinage, sommet de notre foi, sommet de l’Univers, que je commence à réaliser. C’est là que Jésus est mort et ressuscité. Le passage au tombeau, dans le Saint Sépulcre, est le moment central de mon pèlerinage, je suis submergé par les émotions. Ça y est, je peux mourir tranquille, j’ai vu le Saint Sépulcre ! J’ai constaté moi aussi, que le tombeau est bien vide. Je suis renvoyé dans ma Galilée, dans mon diocèse, pour annoncer la Bonne Nouvelle.
Retour en France, la veille de Noël, les jeunes de ma paroisse me demande : « alors ? ». Ben, en fait, contrairement à ce que je pensais, je ne réalise toujours pas, j’ai besoin de temps… Fin janvier, j’écris cet article, je me repasse le film dans ma tête, je me replonge dans mon pèlerinage. Mais en fait, je ne réalise toujours pas ce qu’il s’est passé. Je me sens comme Pierre, qui arrivé au tombeau, constate les linges pliés, sans Jésus, mais qui n’est pas sûr de comprendre. Oh bien sûr, intellectuellement, j’ai bien compris ce qu’il m’arrivait, mais spirituellement, passer par Jérusalem, au cours de ses années de séminaire, n’a pas de prix. Un jour peut-être, je réaliserai vraiment l’immense chance que j’ai eu de marcher sur les pas du Ressuscité…