En Terre Sainte, nous avons marché dans les pas de Jésus…

Diocèse de la Nièvre, du 7 au 15 novembre 2017.
Pour le magazine Eglise de la Nièvre et le site numérique du diocèse.

par Fabienne Savajols
Relire la parole de Dieu dans la culture où elle s’est faite chair, était le sens intrinsèque de ce pèlerinage en Terre Sainte, où trente-quatre pèlerins, sous la bannière jaune du diocèse de la Nièvre, ont cheminé dans les pas de Jésus du 7 au 15 novembre 2017. Le père Jacques Billout, recteur de l’Espace Bernadette de Nevers avec le diacre Michel-Eric Jacquier et son épouse Françoise, accompagnaient spirituellement le groupe, fasciné et passionné par la découverte des Lieux Saints, des paysages et des soubresauts de l’histoire… 

Pays d’Orient en bordure de la Méditerranée, la Terre Sainte qui s’étale sur 550 km du nord au sud paraît bien modeste. En effet, délimitée par les frontières libanaise, syrienne, jordanienne au nord et à l’est, par celle du désert du Sinaï au sud, elle est au point de rencontre de trois continents et des trois religions monothéistes. Pourtant, son rôle dans l’histoire de l’humanité est considérable et l’histoire ne cesse de s’y écrire quotidiennement depuis plus de 9000 ans avant JC…

Pour nous chrétiens, cette Terre est celle sur laquelle Jésus est né, a vécu, a souffert. C’est là, qu’Il a annoncé le Royaume des Cieux et réalisé de nombreux miracles. C’est pourquoi, Partir, Ecouter, Louer, Expérimenter, Relier, Initier, Naviguer, Aimer, Guérir, Envoyer sont les verbes actifs que l’on retrouve dans le mot PELERINAGE et qui nous ont « parlés » tout au long de ce voyage peu banal.

En Galilée, à Nazareth où Jésus a grandi

En direction du nord, depuis l’aéroport international Ben Gourion à Tel-Aviv, la région de la Galilée berceau de nombreux Lieux Saints, se révèle couverte d’immenses eucalyptus, alors que l’olivier en est le symbole. Ce fut pour assainir les multiples marécages et enrayer les épidémies de malaria que les eucalyptus furent importés d’Australie, il y a une centaine d’années. Ces arbres qui absorbent environ deux cents litres d’eau par jour, ont ainsi contribué à l’assainissement de la région et favorisé les cultures maraichères.

Sur la route de Tibériade, nous faisons une première étape à Cana, où les neufs couples de notre groupe, en mémoire des noces de Cana, sont bénis et renouvelés dans leurs vœux de mariage. C’est là que Jésus avait accompli son premier miracle : changer l’eau en vin. Ce signe marque l’avènement du temps de Jésus et de l’Alliance nouvelle, symbolisée par le vin de la fête.

A une dizaine de kilomètres plus loin, au milieu des collines balayées par un vent d’ouest et un soleil clément, nous distinguons la ville de Nazareth, surprenante masse claire dans un halo de couleur sable. La pierre calcaire, blanche et sèche en raison de l’absence d’humidité, est utilisée partout en Israël et en Palestine pour la construction des bâtiments. Elle apporte une atmosphère minérale au paysage et, confère à l’ensemble des territoires, une certaine unité de couleur et d’harmonie.

Capitale de la Galilée, Nazareth aujourd’hui est une agglomération cosmopolite en pleine expansion, qui compte moins de trente-cinq mille chrétiens sur une population globale de quatre-vingt mille habitants. La coexistence entre une communauté juive croissante et une communauté arabe composée de Grecs orthodoxes, de Grecs catholiques et latins est compliquée : les Arabes accusent les Israéliens d’occuper leurs terres.

Pourtant, c’est dans cette cité, que l’ange Gabriel est apparu à la Vierge Marie pour lui annoncer la naissance de son fils. Reçus au Centre International de Marie de Nazareth, nous avons participé à notre seconde messe en Terre Sainte, la première ayant eu lieu en plein air, la veille, dans une communauté des Béatitudes à Emmaüs-Nicopolis, en Samarie.

Là, dans la chaleureuse et lumineuse chapelle de l’Unité, illustrée d’icônes originales des vingt mystères du rosaire, nous étions rassemblés autour de l’autel, sous le regard de l’ange Gabriel tourné vers la Vierge Marie. En communion, nous avons prié dans ce lieu de célébration des offices de la Communauté du Chemin Neuf et y avons déposé, dans le secret de cœurs, nos intentions de prière aux pieds de la Vierge.

Avec l’Annonciation, le mystère de l’incarnation prend forme.

Remplis d’émotion, nous sommes allés nous recueillir à l’église Saint Gabriel, tenu par les Grecs orthodoxes, à la Source de la Vierge, puis devant la grotte, dans la basilique de l’Annonciation. Sur  le tympan de cet édifice moderne qui s’impose largement au centre de la ville, il est écrit en latin, Verbum carum factum est : le Verbe s’est fait chair.

Le secret de Nazareth, nous a confié une religieuse, consiste à accueillir l’Esprit Saint et à transformer l’ordinaire en extraordinaire…

Formidable accueil chez les petites sœurs de Nazareth, installées sur le lieu de vie de la Sainte Famille, là où Joseph exerçait son métier de menuisier, et où Jésus a passé les trente premières années de sa vie. Au cœur du bazar, près de l’église grecque catholique, nous avons marqué un temps de prière dans la synagogue, celle précisément dans laquelle Jésus se rendait régulièrement. Enclavée entre des habitations ancestrales, elle nous a semblé nettement plus étroite et modeste que nous ne l’imaginions !

Ensuite, à une quinzaine de kilomètres au-dessus de la plaine de Jezréel, nous avons rejoint le mont Tabor, afin de nous imprégner d’un nouvel épisode de la vie de Jésus, apparenté à la lumière de  Dieu. Etonnés par la hauteur de la montagne, qui culmine à 588 mètres et par la couleur vert foncé, car enveloppée de résineux, nous avons découvert, à la nuit tombée, la basilique de la Transfiguration tenue par les franciscains. Elle jouxte l’église Saint-Elie, domaine des Grecs orthodoxes. La coupole bleu-azur de cette basilique tapissée de petites mosaïques et d’anges attentifs, invite au recueillement et à la méditation, notamment en fin de journée, lorsque le ciel se constelle d’étoiles et que la nuit se déploie sur le mont empreint de mystère. En effet, la Transfiguration annonce déjà, au-delà des ténèbres de la mort, un monde nouveau …

La mer de Galilée

Cœur de la prédication de Jésus, la mer de Galilée ou lac de Tibériade doit son nom à l’empereur romain Tibère. Long de 21 kilomètres, large de 12 kilomètres et lové à 210 mètres sous le niveau de la mer, le lac de Tibériade s’offrait à nos yeux chaque matin, au début de notre séjour, depuis l’Oasis de l’Emmanuel tenu par la communauté du même nom.

Immense réservoir d’eau douce alimenté par de nombreuses sources et rivières, paradis aquatique pour poissons en abondance, le Jourdain s’y déverse depuis la Haute Galilée. Anciennement Césarée de Philippe, le site de Banyas situé à la frontière du Liban et de la Syrie, culmine à 500 mètres d’altitude sur la pente sud du Mont Hermon. Nous avons pu y recueillir quelques centilitres, et rapporter ainsi dans nos bagages un peu de cette eau à forte valeur symbolique, pour les baptêmes dans nos paroisses !

Les évangiles racontent que Jésus est venu dans cette région éloignée de Nazareth, en compagnie de ses disciples et qu’il a commencé à les préparer à sa Passion. C’est alors qu’Il a donné à Pierre la primauté dans l’Eglise, ainsi que le pouvoir des clés. Le lieu de commémoration se trouve sur la rive gauche du lac entre Tabgha et Capharnaüm où se « ressourcer » les pieds dans le lac et les yeux dans le ciel bleu avait quelque chose d’irréel…

Naturellement, le lac dans son intégralité nous parle de Jésus, de ses miracles, de ses enseignements. Tandis que nous le traversions sous un soleil ardent, sur un vaste bateau, entre le Kibboutz de Ein- Gev et la rive opposée, à Guinossar, nous étions dans l’allégresse et la joie de vivre. Un vent de légèreté et d’insouciance nous habita le temps de la traversée, rythmée par des chants et des danses, chassant par là même, les turpitudes de nos vies.

C’est précisément sur les bords de ce lac que Jésus appela ses premiers disciples, Simon, André, Jacques et Jean, qu’il multiplia les pains et réalisa la pêche miraculeuse…

A Dalmanutha, nous avons « religieusement » assisté à une messe formidable, en lisière du lac, portés par un certain état de grâce, d’humilité et de ferveur.

Il va de soi que l’itinéraire parcouru jusqu’alors entre montagnes, vallées, eau et sable du désert ne peut que nous inviter à considérer les textes des évangiles avec un regard différent. Les lieux que nous découvrons et sur lesquels nous cheminons, nous parlent avec une nouvelle acuité. Jésus, le nazaréen, nous devient plus proche et son enseignement enraciné sur la terre, prend petit à petit « corps » en nous. Dieu qui s’est fait homme sur cette Terre Sainte en son fil Jésus, bouleverse aussi nos vies…

La révolution du bonheur

Toujours en Galilée, au nord de Tabgha, lieu de la multiplication des pains, nous avons foulé, surplombant les eaux du lac, les pentes d’une colline verdoyante, parsemée de vignoble et de bougainvilliers roses et blancs. Au sommet, l’église franciscaine à la structure octogonale, construite en 1937, rappelle qu’à cet endroit, la tradition situe la proclamation des Béatitudes. On peut y lire sur chacun de ses murs l’inscription de l’une des huit d’entre elles. Chacun parmi nous en a choisi  une pour la méditer et la partager autour d’un temps de recueillement prévu dans les jardins, à l’ombre des palmiers dattiers.

« Heureux les pauvres de cœurs : le Royaume des cieux est à eux ! » La première des Béatitudes contient toutes les autres, elles annoncent une vision qui déplace, bouscule les valeurs en exaltant la pauvreté et l’humilité. Seul, Jésus les a toutes vécues…

Un territoire fragmenté

Pèlerins de passage, notre objectif est d’atteindre la Ville Sainte, la Jérusalem céleste en quelques jours…

Adieu la Galilée, nous « montons » vers Jéricho, où la chaleur est vive, empruntant les routes du désert de Judée, caractérisées par de hauts plateaux calcaires, le long de la vallée du Jourdain.

Une inhabituelle impression d’émiettement territorial nous frappe alors à notre arrivée en Cisjordanie. En effet, la présence de nombreux barrages militaires aux portes d’entrée et de sortie des villes autonomes palestiniennes, nous rappelle que la Terre Sainte est toujours sous tension. Nous avons cependant franchi ces checkpoints israéliens sans jamais être arrêtés, ni même inquiétés. A ce moment, la situation paraissait relativement apaisée, malgré l’asymétrie des rapports de force entre les deux populations. Quelques trois cents mille colons vivent en Cisjordanie, tandis que les Palestiniens construisent les habitations des colonies israéliennes…

A Taybey, village perché à flanc de colline, nous sommes reçus de manière profondément touchante et accueillante chez les petites sœurs de Charles de Foucault, qui vivent en communauté réduite. Elles rayonnent « avec la sainte croix de Jérusalem » dans ce village arabe entièrement chrétien. Leur présence active, à travers l’enseignement et l’éducation auprès des familles enclavées dans ce territoire morcelé, a vocation à créer des ponts de fraternité entre les langues et les cultures…

Tous les pays du Moyen-Orient sont en crise, nous expliquait l’une des religieuses d’origine libanaise, et la crise du christianisme oriental est précisément celle des sociétés arabes. Viscéralement ancrés dans leur territoire, car la terre fait partie de leur identité, les chrétiens d’Orient se sont toujours adaptés et façonnés de nouveau, à partir des situations dans lesquels ils sont plongés. Christ est  venu, mais il est toujours à venir ; il est ressuscité mais il attend continuellement de ressusciter en nous !

L’Oasis de Jéricho 

La nuit tombée, nous atteignons l’une des plus anciennes villes au monde : Jéricho, forte de dix millénaires d’occupation ! Les célèbres trompettes de Josué ne nous ont pas accueillis… En revanche le chant persistant du Muezzin, via les hauts parleurs du minaret, nous a réveillés de très bon matin ! Selon les fouilles archéologiques, Jéricho est le berceau de la civilisation et compte la plus ancienne concentration urbaine de l’histoire. Il existe à cet endroit, une des entailles les plus longues et les plus profondes de l’écorce terrestre. A 300 mètres au-dessous du niveau de la Méditerranée, elle est la cité la plus basse au monde.

Lorsqu’il est monté de Galilée vers Jérusalem, Jésus a traversé Jéricho, où il a repris quelques forces. C’est là qu’Il a rencontré Zachée, le collecteur d’impôt, hissé sur un sycomore pour le voir passer, ainsi que l’aveugle Bartimée, à qui Il a rendu la vue.

La ville, bâtie sur une oasis, au milieu des flamboyants et multiples bougainvillées colorés, étend sa nappe de verdure en bordure du fossé jordanien. Elle bénéficie d’un climat tropical doux, favorable à toutes les cultures fruitières, d’où son nom, la ville des palmiers.

Pas le temps de découvrir la ville primitive fortifiée sur le Tell es sultan. Nous prenons la route n°1 en direction du Mont de la Quarantaine. Nous rejoignons le chemin du Wadi Kelt, sur un promontoire rocheux et désertique afin de « vivre » le parcours de Jésus et la parabole du bon Samaritain. Cheveux au vent, adossés aux falaises calcaires, nous avons bâti un autel de fortune avec nos trente sacs à dos, afin d’écouter, recueillis, la messe dite par le Père Jacques au cœur de ce désert de Judée. A l’image de Jésus, la vie chrétienne est aussi « traversée du désert », elle est épreuve sans cesse surmontée, à la lumière de la mort-résurrection….

Face à nous, se dresse à flanc de coteaux le monastère Saint-Georges de Koziba. Bâti à la fin du XIXème siècle par les Grecs orthodoxes, le monastère de la « Tentation » fut construit devant les grottes qui servaient de cellules et d’oratoires aux cénobites des premiers siècles.

Quelle vue ! Quel souffle ! Quel enthousiasme ! Nous avons cheminé toute la matinée du 11 novembre sur un sentier escarpé, le long d’un oued asséché, songeant à ce que fut la Tentation de Jésus dans le désert, annonçant le scandale de la croix…

La mer Morte

Ensuite, le long de la mer Morte vers Ein Guedi, à l’endroit où le roi David a fui la colère de Saül, nous avons découvert le parc régional habité de bouquetins peu sauvages, avant d’expérimenter  au niveau du kibboutz de Kalia, la baignade dans une eau étonnamment salée.

La mer Morte fascine toujours, mais le joyau naturel s’assèche chaque jour davantage. Ses eaux bleuâtres entre les monts de Moab et de Judée couvrent une surface de 900 kilomètres carrés, 76 kilomètres du nord au sud, 16 en largeur. Toute vie animale et végétale est absente de ses rives tant le sel y est dense. L’évaporation est très forte et le Jourdain, au débit trop faible désormais, ne s’y déverse plus suffisamment. La mer Morte baisse d’un mètre par an depuis une vingtaine d’années, résistera t’elle durablement à l’intensification de l’érosion ?

Bethléem, là où Dieu s’est fait homme

Beit Lehem, en hébreu signifie la « maison du pain ». Pour tout pèlerin, elle est en priorité le lieu de  la naissance de Jésus, issu de la lignée du roi David. La ville de trente-quatre mille habitants et de neuf mille huit cents chrétiens, s’étale sur les flancs d’une colline rocheuse à 860 mètres d’altitude, à dix kilomètres au sud de Jérusalem. On y accède en franchissant un check-point entouré de miradors.

Notre hébergement à la Casa Nostra, également lieu d’accueil des papes à Bethléem, jouxte la basilique de la Nativité, un des chefs d’œuvre de l’art byzantin. Les franciscains, arméniens et orthodoxes se partagent la garde de ce Lieu Saint, aujourd’hui en travaux de restauration.

L’accès à la grotte de la nativité, étroite et sombre en raison des murs noircis par la fumée des cierges et des lampes à huile, fut long et difficile. Les pèlerins affluent et forment de longs cortèges d’attente dans la nef de la basilique en travaux, avant de réussir à se glisser, par deux devant l’autel. Mais se recueillir sur le lieu traditionnel de la naissance de Jésus est un des temps forts de notre démarche. Une étoile de vermeil datée de 1717, scellée dans du marbre blanc symbolise l’endroit où le Christ est né, il est écrit en latin : Hic de Virgine Maria Jesus Christus natus est.

Dans l’enceinte fortifiée de la basilique, nous avons partagé à l’église Sainte Catherine d’Alexandrie l’office dominical co-célébré avec la communauté arabo-chrétienne. Un accueil très chaleureux dans une authentique communion de prière, sous un rayon de soleil traversant les vitraux, émut nombre d’entre nous. Ce jour-là, nous avons communié sous intinction*, et malgré les différences linguistiques, notre foi chrétienne nous disait bien toute sa dimension universelle…

A Bethléem, c’est essentiellement la naissance de Jésus qui nous est racontée à travers différents sites, notamment La grotte du lait, où Marie a nourri son enfant avant la fuite en Egypte et le Champs des Bergers, où les anges sont apparus aux bergers qui montaient la garde. Ainsi, avec la naissance du « prince de la paix » (Isae 9,5) Bethléem devient vraiment « la maison du pain » de vie (Jean 6).

La Jérusalem des Lieux Saints

Capitale religieuse, Jérusalem, qui signifie paix, est avant tout la Ville Sainte pour la moitié de l’humanité et les trois grandes religions, qui se partagent le monde. C’est en psalmodiant le psaume des montées que nous aussi, à l’image de tout juif qui monte à Jérusalem, sommes entrés dans la  ville Sainte après cinq jours d’itinérance en Galilée, Samarie et Judée. Après Jéricho, nous avons retrouvé les pas de Jésus, en périphérie de la ville. Sur le Mont Sion au Cénacle, au Carmel du Pater où Il enseigna le Notre Père à ses disciples, à Gethsémani sur le Mont des Oliviers, à la piscine de Bézatha où Il guérit un paralytique un jour de sabbat.

Le premier contact avec Jérusalem fut un choc pour la majorité d’entre nous. La foule hétéroclite, la cohue bariolée et les multiples commerces compacts, la circulation automobile extrêmement dense, malgré un tramway récent de fabrication française, contrastent avec les étendues désertiques et desséchées de Judée. Depuis le belvédère du Mont des Oliviers, où eut lieu l’Ascension de Jésus quarante jours après pâques, nous avons prié et médité, quelque peu troublés par tant de réalisme, le regard tourné vers la vue panoramique sur la vielle ville fortifiée et ses 3000 ans d’histoire.

Les imposants remparts de pierres calcaires, se dressent à la face du monde pour signifier combien leur rôle protecteur est intemporel …. Reconstruits à maintes reprises au cours des âges, notamment par les Croisés, c’est à l’époque turque, sous le règne de Soliman le Magnifique, vers 1542, qu’ils prirent leur forme actuelle. Trois kilomètres de circonférence, treize mètres de haut, trente-quatre tours et huit portes enserrent la vieille ville.

Nous avons franchi la porte de Damas, pour rejoindre le mur de soutènement de l’esplanade du temple, autrement dit le Mur des lamentations. Pour le peuple juif, il s’agit du Lieu Saint par excellence, car les derniers restes authentiques du Temple Saint y sont visibles. Lundi matin, c’est le jour des Bar Mitzva, cérémonie qui marque la majorité de l’enfant juif. Les hommes en tenue traditionnelle lisent la Torah sur le côté gauche face au mur, tandis que les femmes séparées par un paravent, à leur droite prient également tournées vers le même mur. Des centaines de milliers de messages sur des petits papiers pliés en quatre sont déposés, insérés entre les joints et interstices des anfractuosités afin de rejoindre le Seigneur… Nous n’avons pas dérogé à la tradition et avons confié nos prières intimes. Contrairement au catholicisme, l’athéisme est une notion inexistante dans le judaïsme qui est à la fois religion et nation, comme chez les Arméniens.

C’est à l’intérieur de la ville close, que nous avons pleinement pris conscience de ce que fut le chemin de croix de Jésus. Dans le dédale des rues pavées, étroites, planes ou en escaliers, jalonnées d’échoppes et d’estaminets, encombrées de passants affairés, de pèlerins du monde entier, indifférents ou méprisants, nous avons emprunté la Via dolorosa avec ses quatorze stations, qui nous ont conduits à l’Eglise du Saint Sépulcre, sur le Golgotha.

Chacun porte sa croix, entend-on fréquemment ! En effet, depuis que Jésus a souffert pour nous, la croix est devenue le symbole de Dieu compatissant à la douleur de toutes ses créatures. Signe de souffrance, de la délivrance de toute souffrance, c’est à Jérusalem que fut érigé ce paradoxe de la croix, symbole de l’espoir, de la fidélité et de l’amour éternel de Dieu.

Des conférences vivifiantes

Marie-Armelle Beaulieu, rédactrice en chef du magazine Terre Sainte, nous a accueillis dans le quartier général des franciscains au cœur de la vieille ville, afin de nous entretenir de la situation contemporaine des chrétiens d’Orient et nous rappeler le rayonnement de Saint François d’Assise. La Custodie franciscaine célébrait en 2017, le huit-centième anniversaire de sa présence en  Terre Sainte, arborant sur ses bâtiments le drapeau blanc marqué de la célèbre croix rouge de Jérusalem.

Au début du XIII° siècle, le Poverelo se rendit au Moyen-Orient afin de « toucher » les Lieux constituant un témoignage irremplaçable de la Révélation de Dieu et de son amour pour l’homme. Il n’existe pas d’incarnation sans lieu, professait-il. C’est pourquoi, en raison de l’attachement spécial des franciscains à l’Evangile de Jésus et à son Incarnation, le pape Clément VI leur confia la garde des Lieux Saints avec la mission de les animer au travers de la liturgie.

Aimer les pierres qui conservent la mémoire de Jésus nous pousse également à aimer les pierres vivantes, nous a confié un frère vêtu de la longue tunique marron, resserrée à la taille par un cordon blanc. A côté des Lieux Saints, la Custodie franciscaine, engagée dans la réalité sociale, a également la responsabilité des nombreuses et différentes paroisses des communautés chrétiennes de rites et traditions catholiques occidentales et orientales. Il n’existe pas moins de treize confessions chrétiennes pour 180 000 personnes !

Ne rentrez pas chez vous comme avant ! nous a vivement conseillé Marie-Armelle Beaulieu, soulignant par cet apostrophe que notre découverte des Lieux Saints est liée à la prise de conscience de ce que signifie être chrétien.

Une religion bien comprise, c’est la clé du bonheur ! nous a ensuite livré le rabbin Alain Michel, polytechnicien à la retraite, délégué en Israël pour « le vivre ensemble », avant d’assister à la messe dans une chapelle du Saint-Sépulcre. Son intervention nous a bousculés par son optimisme

« raisonné ». Il croit profondément à un avenir meilleur grâce à la spiritualité et à la foi. De ce fait, le démantèlement de Daech en Syrie, fut accueilli avec un immense soulagement par les différentes confessions d’Israël, qui y voient un signe d’Espérance pour l’humanité. Réussir à communier autour des mêmes valeurs, dans un idéal d’amour et de justice est une règle en Terre Sainte : par l’exercice du vivre ensemble, il est possible de faire changer les choses.

Si Jérusalem est l’objet d’un accaparement, en devenant la capitale d’Israël, le processus de paix en négociation depuis plus de soixante-dix ans risque d’être suspendu. Si la paix devenait possible dans un lieu aussi intense humainement et spirituellement, où ne le serait-elle pas ? interrogeait le pape François le 7 décembre dernier…

Notre pèlerinage s’est achevé au cœur d’Abou-Gosh, à 15 kilomètres à l’ouest de Jérusalem, dans un village arabe et musulman de huit mille habitants, chez les moines bénédictins. Frère olivier nous a reçus à l’ombre des cyprès, citronniers et bougainvilliers, dans le jardin où Mgr Lustiger aimait à méditer… N’oublions jamais d’où nous venons, ce rocher dont nous sommes taillés ! Jérusalem est la terre de nos racines spirituelles ! a-t-il déclaré pour justifier de la présence de la congrégation bénédictine sur le lieu de l’Emmaüs des croisés. Nous n’avons pas le droit de perdre l’Espérance, ni  de désespérer du cœur de l’homme, nous assurait le moine berrichon, arrivé au monastère il y a une trentaine d’années. Etre une présence cordiale, dans la prière, au mystère d’Israël au centre de ce village musulman, est un signe de Dieu à une ouverture plus large, nous confia l’un des huit moines, qui chaque jour accueillent les pèlerins multiconfessionnels afin de commémorer Emmaüs !

En l’honneur de l’épisode évangélique (Luc 24,35) où, Cléophas et son compagnon reconnurent Jésus ressuscité à la fraction du pain, les Croisés hospitaliers de Saint Jean, ont construit une vaste église romane au-dessus d’une crypte, dans laquelle coule une source datant du néolithique. Avec l’église Sainte-Anne de Jérusalem, ce monument est l’un des mieux conservés de la période croisée.

Ne cherchez pas parmi les morts celui qui est vivant !

Au terme de notre voyage, nous avons unanimement éprouvé le sentiment d’avoir accompli un chemin qui nous à la fois enrichis, transportés et revigorés. Pèleriner en Terre Sainte est une  véritable aventure, qui entraîne aux sources de la foi et invite à rencontrer Jésus dans son « univers ». Mais aussi étrange que cela puisse paraître, il n’est pas besoin de venir à Jérusalem pour rencontrer le Christ, puisqu’Il est partout !

Ne sommes-nous pas, à l’image des deux disciples en chemin vers Emmaüs ? Nous ne savons pas toujours ouvrir nos yeux pour reconnaître que Jésus marche à nos côtés… Notre condition de pèlerin est une réelle invitation à témoigner que Jésus est vivant auprès de ceux que nous rencontrons !

*Communier sous intinction signifie communier sous les deux espèces, le pain et le vin