Chemin de fraternité sur les pas de Charles de Foucauld

Pèlerinage du 25 septembre au 2 octobre 2018 
sous la conduite du Père Balusson (Diocèse de Rennes)

Chris et François GERARD, Redon, le 8 octobre 2018     

« Le mardi matin 24 octobre nous nous envolons sur un vol Paris-Alger  pour nous rendre en pèlerinage à Tamanrasset à 2 200km au sud d’Alger, au coeur du Sahara.

Notre cohorte de pèlerins peut surprendre. Le doyen a 92ans, plusieurs s’appuient sur des  cannes, un autre souffre d’un début de maladie d’Alzheimer…  La moyenne d’âge semble visiblement élevée. Et ce voyage-pèlerinage ne sera  pas de tout repos. Il exige même de l’endurance. En  huit jours, les excursionnistes du désert  vont devoir affronter une nuit complète en car pour venir à l’aéroport, supporter  une nuit d’avion avec escale pour  le retour, passer une nuit en gite rustique  à 2 700m, un second bivouac  sous simple tente à 2 100m et les autres nuits dans un camping à Tamanrasset. Ils vont encaisser les chaos des pistes pendant  deux jours complets dans des véhicules tout-terrain. Les repas sont parfois décalés à cause des intempéries.  Des visites ou célébrations  sont reportées ou raccourcies… L’organisation bat de l’aile dès le départ. Va-t-on assister  à un mouvement de grogne voire de révolte   devant tant de déconvenues et de mésaventures?  Eh bien, c’est le contraire qui se passe. Le groupe manifeste une  sérénité paisible et affiche sa bonne humeur. Chacun veille sur l’autre, les plus alertes  aidant les plus en difficultés. La bienveillance rayonne dans ce périple. Une organisation au pied levé  se met en place… La magie du désert, l’amabilité des Touaregs, la démarche personnelle des pèlerins  irradiées par l’esprit du Frère Charles de Foucauld opèrent.

La fraternité voulue et vécue  par le Bienheureux Charles de Foucauld ici à Tamanrasset  semble se distiller dans ce pèlerinage. Chacun essaie d’être attentif à l’autre. Les paroles du père Pédro, curé de Tamanrasset, dans la chapelle de la Frégate,  prennent corps. L’engagement de soeur Martine auprès des femmes Touareg, seule religieuse présente dans la Fraternité, nous  interpelle. L’accueil, simple et vrai, du père Ventura à l’Assakrem nous  émeut. Tous ces disciples de Frère  Charles poursuivent sa mission dans la plus grande discrétion.  Zahra, guide algérienne bénévole au bordj, nous communique son enthousiasme devant le génie et l’engagement de Charles de Foucauld…  En 2018, le village de quelques dizaines de familles Touareg  de 1916 de Tamanrasset  a disparu sous la ville de cent-vingt mille habitants. Ville carrefour entre l’Algérie, le Niger, le Mali et la Libye, elle bruisse des rugissements des camions de transport  de marchandises. Ses importantes forces de police, de l’armée, de gendarmerie  font de   cette  grande wilaya d’Algérie une place militaire de premier ordre. Dans cette ville-champignon, de nombreux  migrants maliens ou nigériens doivent affronter l’insécurité et la fragilité des personnes sans papier. La fraternité de Charles de Foucauld, minuscule et invisible dans cette nouvelle métropole,  respire de sa seule présence.

Mohamed, le propriétaire du camping  nous accueille comme des amis. Nous sommes le premier groupe de touristes occidentaux  depuis l’année noire de 2012 qui a placé l’Algérie et le Hoggar en zone rouge interdisant de facto les touristes européens. La pluie qui est tombée en abondance depuis la fin du mois d’août est accueillie comme un don du ciel. La pluie, c’est la promesse de pâturage pour les chèvres  et les chameaux. C’est l’espoir qui renaît pour les nomades… Cette pluie va nous accompagner toute la semaine, bousculant le programme.   » Vous êtes plus que l’Espoir pour nous  » confie Mohamed à Marie-Thérèse sur le chemin de l’Assakrem. Allons-nous être  des  » moulas-moulas  » ces oiseaux porte bonheur du désert qui indique à l’assoiffé où se trouve la source?

Il faut sortir de la ville pour être saisi par le désert, rude, grandiose, puissant…  Des pics volcaniques gigantesques montent  la garde. Des falaises, des gorges, des crevasses  labourent le paysage. Des blocs basaltiques énormes semblent avoir été posés en équilibre par des titans un peu joueurs. Monde de chaos, monde minéral, monde abrupt. La puissance des éléments telluriques s’exprime tout son soul. Des oueds, secs, dorment aux creux des vallées… Quelques acacias et tamaris s’agrippent le long des failles enfonçant les profondes racines au creux de la terre. Parfois, au sommet d’un plateau, nous découvrons une étendue  lunaire sans horizon…  Le désert ne se laisse apprivoiser aisément. Il faut le gagner… Les 4×4 doivent contourner les obstacles, se hisser sur les raidillons, franchir des cavités, tels des fourmis escalant des brindilles.  Le reg impose sa puissance impitoyable. C’est au sommet que le désert s’offre. Au soleil levant ou au couchant, il s’habille de couleurs évanescentes et rayonnantes tel un feu d’artifice grandiose.

Dans ce monde chaos, la pluie fait chanter les graines qui attendaient cachées sous une pierre, coincées dans une fente, enfouies dans la poussière. Sans attendre, les plantes jaillissent  du sol aride. Les oueds se réveillent, les cascades chantent…  La montagne se pare de couleurs chatoyantes…   Miracle de la vie.

Le désert  est une expérience avec soi, avec l’autre, avec  le Créateur. L’esprit de Fraternité du père Charles de Foucauld nous a saisis. Accueillir l’autre en frère,  savoir donner et savoir recevoir,  évangéliser et non convertir, vivre l’amour du Christ en acte… Nous revenons de ce pèlerinage sur les pas de Charles de Foucauld émerveillés par cette expérience vécue entre pèlerins de divers horizons. »